Questions relatives à la garde des enfants, à la coparentalité et à l’allaitement

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L’attachement d’un enfant en développement commence avec son parent principal, généralement la mère, et est renforcé par une relation d’allaitement. L’attachement au père, ou au parent qui n’allaite pas, est également essentiel et s’appuie sur l’attachement primaire. Les deux parents doivent veiller à protéger et à nourrir ce processus de développement. La perturbation du processus d’attachement peut nuire à la capacité de l’enfant à développer un attachement sain et confiant avec ses deux parents.

Dans l’intérêt de l’enfant

Au Canada, les tribunaux sont censés prendre les décisions qu’ils estiment être “dans l’intérêt de l’enfant“. Cela implique un droit de visite régulier et significatif auprès des deux parents. Il sera important pour vous de documenter la routine normale de votre enfant et d’identifier la fréquence et l’intensité de son besoin de confort, de sécurité et de proximité avec vous, à la fois pendant la journée et pendant la nuit.

Il est dans l’intérêt de l’enfant que les routines normales soient aussi peu perturbées que possible, en particulier au début. Avec de la compréhension et une intention positive, la relation de l’enfant avec le père, ou le parent qui ne l’allaite pas, peut être maintenue, développée et approfondie sans mettre en danger le besoin de stabilité de l’enfant ou le besoin de l’enfant pour sa mère. Au fur et à mesure que l’enfant grandit et que des relations d’attachement résilientes se développent, les nouvelles routines, y compris les séparations plus longues, seront mieux acceptées. L’allaitement deviendra de moins en moins une composante essentielle de la relation mère/enfant, tandis que la relation avec le père, ou l’autre parent, continuera d’évoluer. Ce développement émotionnel ne peut être accéléré sans conséquences négatives pour l’enfant.

Si vous essayez de faire valoir que votre enfant a besoin d’être avec vous en raison des bienfaits de votre lait, il se peut que le tribunal vous suggère simplement de fournir votre lait exprimé à l’autre parent. Il existe des précédents à cette approche des tribunaux, aussi travaillez soigneusement avec votre avocat sur la meilleure façon de procéder pour que les besoins et les droits de votre enfant soient protégés (Nations Unies, 1989).

 

Lorsqu’il est prévu de séparer l’enfant de son environnement plus familier, il est important de créer un emploi du temps aussi proche que possible de ce à quoi l’enfant est habitué. Tout changement doit être effectué progressivement afin de perturber le moins possible l’enfant. Si votre enfant dort et est nourri au sein, il est particulièrement important que les changements soient effectués lentement, à un rythme qui permette à l’enfant de se développer et de s’adapter. Il est utile d’avoir un plan réaliste à présenter au tribunal qui permette l’accès aux deux parents, tout en protégeant l’allaitement, tant que l’allaitement reste un élément important de la relation de l’enfant avec sa mère.

Droit de visite à l’enfant

Il est important qu’à aucun moment la personne qui s’occupe principalement de l’enfant ne refuse à l’autre parent l’accès à l’enfant. Les tribunaux s’opposent fermement à ce comportement. Si vous craignez que l’enfant soit blessé ou enlevé, consultez votre avocat et/ou la police. Si vous refusez le droit de visite à l’enfant et que le tribunal n’est pas convaincu qu’il existe une menace crédible de préjudice, cela pourrait avoir une incidence négative sur votre dossier.

L’autre parent pourrait faire valoir que vous refusez le droit de visite si vous n’autorisez pas les visites de longue durée ou les visites de nuit. Il ne s’agit pas d’un “refus de visite”. C’est protéger le besoin de continuité et de routine familière de l’enfant et contribuer au développement de la confiance de l’enfant.

Les perturbations majeures des routines familières de l’enfant et de ses comportements de recherche de réconfort, comme l’allaitement, peuvent mettre à rude épreuve la confiance de l’enfant envers ses parents. L’opposition entre confiance et méfiance est l’objectif de développement le plus important de la petite enfance, selon la définition d’Eric Erikson (Chirban, 2016). Ce stade est un élément de base essentiel à la maturation de l’enfant tout au long de sa vie. Si l’enfant n’est pas encore prêt, du point de vue de son développement, à passer de longues nuits, vous pouvez lui proposer de courtes visites entre les tétées, tous les jours ou tous les deux jours, pendant que la garde est négociée. Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, les deux parents doivent comprendre que le développement social et psychologique prend du temps et que l’observation empathique de l’enfant leur permet de savoir si et quand l’enfant est prêt pour des séparations plus longues.

Si vous craignez, pour quelque raison que ce soit, que les visites non surveillées ne soient pas sûres, consultez votre avocat et/ou la police.

L’élaboratoin d’un plan de garde/de visite

Tout plan de garde exigera que votre enfant passe au moins un certain temps loin de vous. Des compromis seront nécessaires. Le plan final peut prévoir un nombre d’heures d’absence supérieur à ce que vous estimez que votre enfant peut supporter. Ce compromis peut être nécessaire pour éviter des séparations encore plus longues. Il est important de se rappeler qu’en droit canadien de la garde, l’intérêt supérieur de l’enfant est la question la plus importante. Les tribunaux cherchent à préserver la relation de l’enfant avec ses deux parents. Il est utile d’entamer les discussions avec un plan qui prévoit une augmentation du temps passé entre votre bébé ou votre enfant et votre ancien partenaire au fur et à mesure que l’enfant grandit et se développe.

Conseils pour élaborer un plan de visite

  1. Quelles ont été les séparations entre l’enfant et le parent allaitant ? Examinez la durée des séparations, la personne avec laquelle l’enfant est laissé et la fréquence des séparations. Ces éléments constituent de bonnes lignes directrices pour déterminer la durée du droit de visite du co-parent sans perturbation. Par exemple, un bébé de six mois qui a été séparé du parent qui l’allaite pendant deux heures à plusieurs reprises, mais qui n’est pas séparé par ailleurs, pourrait probablement supporter une visite de deux heures avec son co-parent plusieurs fois par semaine. Si le parent allaitant d’un enfant de quatre mois laisse le bébé le week-end aux grands-parents, il n’y a aucune raison pour que le bébé ne soit pas avec le co-parent le week-end.
  2. Quel est le style d’éducation utilisé depuis la naissance ? Si le parent qui allaite adopte un style d’attachement (allaitement à la demande, sommeil partagé, etc.), cette relation doit être protégée et encouragée. Si une mère allaitante garde son bébé dans son berceau la nuit, dans une pièce séparée, et qu’une autre personne s’occupe du bébé en lui donnant un biberon pendant la nuit, le co-parent peut tout aussi bien le faire.
  3. Quelle est l’implication du co-parent depuis la naissance ? Examinez le temps que le co-parent a passé avec l’enfant avant la séparation et depuis. Le co-parent doit apprendre à s’adapter à cet enfant en particulier, en répondant à ses besoins et à ses habitudes, par exemple les siestes, les aliments que l’enfant mange ou auxquels il est allergique, l’heure du coucher. Régler ces questions peut être difficile pour des personnes qui ont décidé qu’elles ne pouvaient pas vivre ensemble, mais qui doivent maintenant travailler ensemble, peut-être plus étroitement que jamais, afin de faire ce qu’il y a de mieux pour leur enfant.
  4. Quel droit de visite le co-parent souhaite-t-il ? Les plans de visite/de garde peuvent généralement s’aligner sur les souhaits du co-parent, s’ils sont raisonnables. Si le co-parent souhaite un droit de visite le week-end et voit son enfant pendant quatre heures le samedi, il faudra un certain temps pour arriver à des week-ends complets. Un bon point de départ est le droit de visite dont dispose actuellement le co-parent, ou la durée des séparations que l’enfant a déjà subies de la part du parent allaitant. On peut ensuite déterminer l’âge auquel le droit de visite demandé par le co-parent serait acceptable. Une fois les points de départ et d’arrivée déterminés, les visites peuvent être progressivement augmentées tous les mois ou tous les deux mois, jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Plus les visites du co-parent sont fréquentes, plus il sera facile de passer à des visites plus longues.
  5. Quels sont les droits de visite possibles compte tenu de la situation individuelle des parties ? Quels sont les horaires de travail à respecter ? Quelle est la distance entre les parents ? Si les parents vivent à proximité l’un de l’autre, il n’y a aucune raison pour que les visites ne soient pas fréquentes, voire quotidiennes. S’ils vivent loin l’un de l’autre, ou s’ils ne s’entendent pas suffisamment bien pour avoir des contacts fréquents, il faudra beaucoup plus de travail pour déterminer quel droit de visite est possible.
  6. Il est important, lors de l’élaboration d’un plan de visite/de garde, que la commodité pour les parents ne soit pas prioritaire par rapport à ce qui est le mieux pour l’enfant. Trop souvent, le co-parent n’est pas disposé à rendre visite fréquemment, ou le parent allaitant ne veut pas voir le co-parent aussi souvent. Si les besoins de l’enfant doivent être prioritaires, cette attitude doit changer. Et si quelqu’un d’autre que les parents doit élaborer un plan de visite, cette personne doit envisager de manière réaliste ce qui peut être accompli plutôt que ce que les parents souhaitent voir se produire. Par exemple, si le co-parent travaille à quelques minutes de là, pourrait-il voir l’enfant chaque jour pendant sa pause déjeuner ? Pendant une heure ou deux après le travail ?

Finalement :

  • Mettez votre plan par écrit et soyez prêt à faire preuve de souplesse dans les négociations.
  • Précisez que vous n’êtes pas opposé au droit de visite et que vous souhaitez que votre enfant ait une bonne relation avec ses deux parents.
  • Précisez que vous comprenez (ou acceptez) que les modalités du droit de visite évolueront au fur et à mesure que l’enfant grandira et qu’il sera plus à même de tolérer des séparations plus longues. Insistez sur le fait qu’en commençant par des visites plus courtes et plus fréquentes, vous aiderez l’enfant à s’adapter à l’évolution de la dynamique familiale.
  • Envisagez de préparer une déclaration sous serment pour étayer votre position. Le format exact pouvant varier d’un endroit à l’autre, demandez un avis juridique pour vous assurer que votre déclaration sous serment est conforme aux exigences locales.

Voir la section Ressources à la fin de ce document pour plus d’informations afin de vous aider à créer un plan.

Autres éléments à prendre en compte
Le tribunal peut parfois avoir l’impression que l’allaitement est ” instrumentalisé ” ou utilisé comme excuse pour empêcher tout contact avec un co-parent. Cette perception doit être évitée. C’est pourquoi certains avocats suggèrent de ne pas faire de l’allaitement une question centrale dans votre argumentation sur la garde des enfants.

En outre, lors de la rédaction de votre accord avec votre co-parent, il est important de discuter si et comment le lait humain sera offert lorsque l’enfant sera séparé du parent qui l’allaite. L’enfant recevra-t-il du lait exprimé ou du lait maternisé pendant la séparation ? Le lait sera-t-il présenté dans un biberon ou une tasse ? Vous constaterez peut-être qu’il est utile pour les trois parties de fournir au co-parent des informations sur l’importance de l’allaitement et sur la manière d’alimenter au biberon (ou autre) un bébé allaité.

La médiation et l’arbitrage

La médiation est une négociation non contraignante entre les deux parents, menée par un médiateur neutre et qualifié. Elle peut être une option utile au lieu d’aller au tribunal, et elle est beaucoup moins coûteuse. L’enfant bénéficie à bien des égards de parents qui collaborent et cherchent des solutions plutôt que de se battre l’un contre l’autre. La créativité, la flexibilité et la négociation sont essentielles.

L’arbitrage est un processus décisionnel contraignant. L’arbitre agit comme un juge et prend une décision finale sur la question en jeu. Il est rare qu’un juge annule la décision d’un arbitre. Assurez-vous donc d’être pleinement informé des implications de l’arbitrage avant d’y consentir.

Trouver un avocat

Si vous décidez d’avoir recours à un avocat, vous voudrez trouver quelqu’un qui respecte et comprend votre point de vue sur l’allaitement et l’éducation des enfants. Votre avocat devrait être disposé à en apprendre davantage sur l’allaitement, la séparation et le développement normal de l’enfant. Faites savoir à votre avocat que vous attendez de lui qu’il accepte de faire appel à des témoins experts, le cas échéant. Ces témoins peuvent être nécessaires pour soutenir le plan de visite que vous avez proposé ou contester un plan recommandé par votre partenaire ou par le tribunal.

Les témoins experts possibles sont les suivants :

Médecin ou psychiatre
Un médecin de famille peut fournir une déclaration expliquant et soutenant la relation d’amour entre vous et votre enfant, et la façon dont l’allaitement joue un rôle important dans cette relation. Cette déclaration peut également expliquer pourquoi les séparations prolongées ne sont pas souhaitables pour cet enfant à l’heure actuelle. Si votre médecin ne veut pas le faire, trouvez un autre médecin (ou un psychiatre) qui connaît mieux le développement de l’enfant, l’allaitement et le maternage et qui est prêt à vous aider.

Psychologue pour enfants
La déclaration d’un psychologue ou d’un psychiatre pour enfants est utile si votre enfant allaité a plus d’un an ou s’il a été sevré récemment. Trouvez quelqu’un qui puisse discuter des problèmes de séparation et montrer qu’une longue séparation avec vous, ainsi qu’avec l’allaitement, pourrait être préjudiciable à la santé émotionnelle de l’enfant. Préparez-vous à ce que les personnes qui s’opposent à vous présentent d’autres experts qui affirment le contraire.

Consultant en lactation certifié l’IBCLC (International Board Certified Lactation Consultant)
https://iblce.org/
https://www.ibclc.qc.ca/fr/trouver_une_ibclc
Une IBCLC peut expliquer le déroulement normal et la physiologie de l’allaitement et comment des séparations fréquentes ou prolongées peuvent interférer avec la lactation et conduire à un sevrage prématuré du sein. Elle peut commenter les interactions entre vous et votre enfant.

Vous souhaiterez que votre avocat mette tout en œuvre pour que la garde ou le droit de visite soit compatible avec les besoins de votre enfant. Tous les avocats n’ont pas l’expérience de ce type d’affaires. Il est utile de bénéficier d’un excellent conseil juridique pour bien démarrer votre affaire. Selon votre situation, il se peut que vous voyiez plus d’un juge au cours de votre dispute de garde. Si le juge que vous rencontrez au début de la dispute accorde un droit de visite prolongé au parent qui n’allaite pas, il vous sera peut-être difficile de revenir à des visites plus courtes et plus fréquentes avec un juge ultérieur. Les premières audiences sont très importantes.

Les bébés qui ne reçoivent pas de lait humain ont un risque accru documenté de :

  • infections respiratoires
  • otites
  • maladies digestives
  • eczéma
  • diabète
  • leucémie infantile
  • méningite
  • entérocolite nécrosante
  • obésité
  • SMSN

Ces avantages pour la santé sont liés à la dose. Plus l’enfant est allaité longtemps, plus le risque de contracter les maladies susmentionnées est faible.

L’âge de votre enfant et la fréquence de l’allaitement doivent être pris en compte lors de l’établissement d’un accord de garde. Une longue séparation d’avec vous, ainsi qu’avec l’allaitement, pourrait être préjudiciable à sa santé émotionnelle et physique. “En plus d’être une source essentielle de nutrition pour le nourrisson, la recherche montre que l’allaitement n’est pas simplement un repas au sein, mais qu’il a également des effets significatifs et profonds sur la cognition, le comportement et la santé mentale des enfants et des mères.” (Krol, 2018).

Ressources sur l’importance de l’allaitement

  • Ministère de la santé et des services sociaux du Québec
    • L’allaitement maternel au Québec – Lignes directrices

    • Nations-Unies : Covention relative aux droits de l’enfant (1989). Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. (Le Canada est signataire de cette résolution, ce qui donne à ce document force de loi au Canada. Article 24.1 “Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible…” Article 24.2 “Les États parties s’efforcent d’assurer le plein exercice de ce droit et, en particulier, prennent les mesures appropriées : (a) “Pour réduire la mortalité infantile et post-infantile ;” et g) “Pour faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, soient informés, aient accès à l’éducation et bénéficient d’une aide pour l’utilisation des connaissances de base relatives à la santé et à la nutrition de l’enfant, aux avantages de l’allaitement maternel, à l’hygiène et à la salubrité du milieu et à la prévention des accidents :”).
  • Lettre d’appui, bienfaits de l’allaitement, DR Jack Newman (Lettre de Jack Newman qui parle des bienfaits de l’allaitement maternel et de la poursuite au-delà de 12 mois. Cette lettre a été écrite à la demande d’une mère qui voulait avoir une garde de l’enfant qui permettait la poursuite de l’allaitement.)

Ressources pour l’élaboration des plans de garde/visite

Ressources sur l’impact de la séparation sur le développement de l’enfant (en anglais et en français)

Comment la LLL peut vous aider en cas de séparation, de divorce et de garde partagée ?

Les monitrices de la Ligue La Leche ne peuvent pas vous fournir de conseils juridiques ni vous offrir les services d’un avocat. Nous pouvons :

  • vous offrir un soutien émotionnel
  • vous donner des informations sur l’expression du lait ou le maintien des réserves lors des séparations
  • fournir des informations sur la façon d’offrir du lait exprimé à un enfant allaité
  • fournir des informations sur le sevrage, si nécessaire
  • vous fournir ou obtenir des informations sur la législation en vigueur dans votre pays

N’oubliez pas que les questions médicales et juridiques doivent être adressées à des professionnels de la santé et du droit compétents.