L’alcool, l’allaitement et le temps des Fêtes
Le temps des fêtes : moment festif, de rassemblement et de réconfort par excellence!
Période d’indulgence durant laquelle on se permet des douceurs qui font du bien.
Encore une fois cette année, plusieurs mères qui allaitent se demanderont si oui ou non, elles peuvent se « permettre » ce verre de vin au souper, ce cocktail à l’apéro ou ce digestif en soirée.
Concernant la consommation d’alcool pendant la grossesse, les recommandations au Canada sont généralement bien connues de tous (par les professionnels de la santé comme dans la population en général), soit que la consommation d’alcool est à proscrire durant toute la grossesse. Mais lorsqu’on parle de consommation d’alcool durant l’allaitement, il semble y avoir un flou… On entend parfois dire que la mère doit laisser passer un certain nombre d’heures avant d’allaiter son petit lorsqu’elle a consommé de l’alcool. Qu’elle doit jeter son lait. Qu’il est préférable d’exprimer du lait en prévision des boires de son bébé durant les moments où elle consommera de l’alcool, ou même qu’il vaut mieux donner des préparations commerciales pour nourrisson à son enfant durant cette période.
Dans le livre « Breastfeeding Made Easy » du réputé pédiatre espagnol Carlos Gonzales, collaborateur auprès de La Leche League International, on explique bien le rapport entre l’alcool consommé par la mère et celui présent dans son lait. À l’aube du début du temps des fêtes, il est important de bien comprendre tout cela pour être en mesure de faire un choix éclairé.
La réponse courte à la question « Une mère qui allaite peut-elle consommer de l’alcool lorsqu’elle allaite » est oui.
Peut-elle en consommer sans modération? Dans ce cas, la réponse est non. D’ailleurs, PERSONNE ne devrait consommer d’alcool sans modération. Cela vaut tout particulièrement pour une mère responsable de prendre soin d’un bébé ou d’un enfant. Comme l’explique très bien Dr Gonzales, la concentration d’alcool dans le sang est à peu près la même que dans le lait humain. Ainsi, une mère présentant un taux d’alcool dans le sang de 0,05% (la limite légale pour conduire dans plusieurs pays d’Europe) nourrira son bébé d’un lait contenant 0,05% d’alcool. Comme le sang, le lait se filtre continuellement. Donc, au fil du temps, simultanément à la descente du taux d’alcool dans le sang de la mère, son lait deviendra de moins en moins alcoolisé (le taux d’alcool dans le lait diminuerait même un peu plus vite que celui du sang). Le lait accumulé « dans les seins » n’est pas statique; il est en constante transformation. Tout comme le sang n’est pas immobile dans nos veines!
Il peut faire peur à certaines mères (et à leur entourage) de nourrir un enfant avec du lait « alcoolisé ». Cependant, il est important ici de relativiser. Légalement, dans plusieurs pays, un breuvage contenant moins de 0,5% d’alcool est considéré sans alcool. On parle ici de 10 fois plus d’alcool qu’un breuvage contenant 0,05% (le lait de la mère dont nous parlions plus haut, qui aurait bu assez d’alcool pour présenter un taux d’alcool dans le sang de 0,05%). Pour qu’une mère produise un lait qui serait considéré « alcoolisé » d’un point de vue légal, il lui faudrait fabriquer un lait à plus de 0,5% d’alcool. Le sang de cette mère devrait donc contenir 0,5% d’alcool ou plus. Or, pour un très grand buveur comme pour un buveur occasionnel, un taux d’alcool sanguin de 0,5% entraîne un coma éthylique. Le corps ne peut tout simplement pas fonctionner à un tel taux d’alcoolémie sanguine. Le sang d’une personne en état d’ébriété (grand buveur ou buveur occasionnel, sans distinction) pourra atteindre 0,2% ou 0,3% d’alcool, mais de façon réaliste, le sang d’une mère buvant modérément n’atteindra que rarement 0,05%.
Aussi, étant donné que le bébé ne boit que quelques dizaines de millilitres de lait par boire, l’alcool dans ce lait se retrouve en quelque sorte « dilué » dans son petit corps. Le taux d’alcoolémie sanguine du bébé ne se trouve donc pas à être égal à celui de la mère, et dans tous les cas, il est de beaucoup inférieur.
On peut donc dire que de boire de l’alcool n’est pas incompatible avec l’allaitement. Nul besoin donc de compter ses consommations ou de donner un substitut de lait Humain à son enfant lorsqu’on a bu un verre ou deux. Certes, nous partons de la prémisse que la modération a bien meilleur goût, et qu’en effet, allaiter un enfant en ayant bu une quantité plus ou moins grande d’alcool comporte des risques : bébé plus somnolent, baisse du réflexe d’éjection chez la mère, etc. Une mère sachant que sa production lactée est déjà fragile, qui allaite un bébé prématuré ou présentant une problématique particulière aura tout intérêt à bien réfléchir à la question avant de prendre un verre. Il faut aussi, bien entendu, considérer que le sommeil de la mère pourrait être perturbé (à considérer lorsqu’on pratique le partage du lit), ainsi que son niveau de vigilance.
Ceci dit, nous parlons ici d’une consommation d’alcool occasionnelle. Du lait humain contenant de l’alcool, quotidiennement, n’est certainement pas l’idéal, et une mère présentant un problème de consommation d’alcool a tout intérêt à demander de l’aide.
Gardons bien en tête aussi que lorsque nous sommes responsables d’un enfant, il n’y a pas que le taux d’alcool dans le lait qui prime. Être alerte et réceptive demeure la priorité numéro un!
Nous devons aussi respecter la mère qui choisit de s’abstenir de boire complètement en période d’allaitement. Comme dans tous les domaines, nous avons toutes nos limites et il est toujours sage de les respecter.
Sur ce, je vous souhaite de merveilleuses fêtes remplies de joie, d’indulgence, et un verre de bon vin si cela vous fait plaisir et du bien!
Référence :
Gonzalez, Carlos. 2014. Breastfeeding Made Easy: A Gift for Life for You and Your Baby (3e édition), Londres : Pinter & Martin.
par Élise Vidal, mère de trois enfants, Saint-Mathieu-du-Parc, monitrice LLL
Révision 2018, Christelle Adam, monitrice LLL