La suce : oui ou non

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La suce : oui ou non

Une mère qui allaite devrait-elle offrir une suce à son bébé?
La réponse est: PARFOIS

Dans certaines circonstances, il est pratique d’utiliser la suce mais parfois son utilisation peut être nuisible. Les bébés ont un besoin inné de téter. Sans ce besoin, ils ne pourraient pas obtenir l’alimentation nécessaire pour grandir et croître. De plus, la succion les calme. Elle aide les bébés à retrouver leur équilibre. Le rythme régulier de la succion, la stimulation agréable des terminaisons nerveuses de leur bouche, la concentration nécessaire pour effectuer cette tâche et la satisfaction que cela leur procure les aide à s’adapter à un nouveau monde sensoriel radicalement différent du milieu intra-utérin.

À une certaine époque, des « experts » ont désapprouvé l’utilisation de la suce. Ces mêmes experts ont aussi déconseillé de prendre un bébé qui pleurait. Heureusement, le monde a changé et est devenu plus tolérant envers les besoins du nouveau-né y compris son besoin intense de téter.

Mais attention ! Il y a un problème ici.
Quel est-il ?

La suce est un mamelon artificiel. Qu’elle soit fixée à une bouteille ou pas, elle peut nuire à l’allaitement. Offrir la suce à un bébé nourri au sein et plus particulièrement à celui qui n’a pas encore maîtrisé la succion au sein peut créer un problème qu’il vaut mieux ne pas négliger. La succion d’une suce est différente de la succion au sein. La suce est déjà formée et assez rigide alors que le sein est mou et souple. Pour bien téter au sein, le bébé doit ouvrir très grand la bouche afin que le mamelon puisse se placer tout au fond de sa bouche, à la jonction du palais dur et du palais mou. De cette manière, ni le mouvement ondulatoire de la langue du bébé ni ses gencives ne pourront endommager le mamelon.

Par ailleurs, on peut toujours introduire une suce dans la bouche d’un bébé en poussant un peu sur la suce même si la bouche est bien fermée. De plus, les muscles du visage et de la bouche ainsi que la langue bougent différemment lorsque le bébé tète une suce. Au cours des premiers jours suivant la naissance, alors que bébé est en période d’apprentissage, s’habituer à deux façons différentes de téter peut être difficile pour lui. Un bébé qui essaie de téter au sein de la même façon qu’il tète sa suce ou boit au biberon pourra rapidement devenir frustré et ainsi se mettre à pleurer, se fâcher ou refuser d’être allaité. Il obtiendra peu de lait et pourra éprouver de la difficulté à téter de manière efficace au sein.

L’utilisation de la suce peut aussi nuire à la production de lait de la mère et éventuellement affecter la croissance du bébé. Les bébés qui satisfont une partie de leurs besoins de succion en tétant une suce stimulent moins les seins de leur mère ce qui peut entraîner une diminution de la production lactée. Le fait de réduire le temps d’allaitement et d’offrir la suce au bébé peut le priver du lait de fin de tétée, riche en calories et en gras. Ce lait est important pour la croissance du bébé et pour le développement de son cerveau. Certaines études ont indiqué que l’utilisation d’une suce était associée avec un sevrage précoce. Plus récemment, une étude contrôlée et randomisée a suggéré que l’utilisation d’une suce pouvait être un indicateur d’une moins grande motivation de la mère à allaiter plutôt que la cause d’un sevrage précoce (Kramer 2001). Une autre étude suggère que la diminution de la durée de l’allaitement associée à l’utilisation d’une suce serait la conséquence des tétées moins fréquentes (Howard 1999).

Lorsque l’on veut réconforter un nouveau-né, la suce n’est pas l’instrument adapté pour cette tâche et la mère devrait l’éviter jusqu’à ce que l’allaitement soit bien établi. L’usage de la suce peut être risqué pour le bébé allaité. La suce ne devrait pas être offerte au bébé qui a de la difficulté avec la prise du sein, qui a une succion inefficace ou désorganisée, lorsque la mère s’inquiète de la quantité de lait qu’elle produit ou si son bébé est irritable au sein. Le nouveau-né qui éprouve le besoin de téter devrait plutôt se faire offrir le sein. Plusieurs bébés tètent presque continuellement ou durant de longues périodes au cours de leurs premiers jours de vie. C’est très bon pour eux. Ils sont récompensés par le colostrum et après quelques jours, par une abondance de lait. Cela évite la fatigue physique et émotionnelle qu’engendrent les pleurs excessifs. Ils apprennent à être calmes.

Lorsqu’ils grandissent, certains bébés peuvent avoir besoin de téter même si leur estomac est plein. Peut-être ont-ils besoin de s’endormir ou de se réveiller ou tout simplement de se détendre. Cette façon de téter, appelée « tétée de réconfort », est différente de la succion active et vigoureuse que le bébé utilise pour faire couler le lait afin d’apaiser sa faim. Dans ces circonstances, certaines mères vont choisir d’utiliser la suce. Malgré tout, le besoin de tétée de réconfort du bébé allaité peut être assouvi au sein de sa mère parce que l’écoulement du lait diminue au point de ne couler que goutte à goutte lorsque la succion devient moins intense. Les bébés peuvent ainsi continuer à téter sans se suralimenter et sans avaler d’air. Les bébés peuvent donc contrôler la succion au sein selon leur besoin, ce que les biberons et les suces ne permettent pas. Au biberon, le lait s’écoule à un rythme régulier. Le bébé dont l’estomac est plein et qui a encore besoin de téter pendant dix minutes supplémentaires peut facilement être suralimenté, avaler de l’air et régurgiter. Dans ce cas, la suce peut rendre un très grand service au bébé qui est nourri au biberon.

Dans certaines circonstances, la suce peut aussi être utile pour le bébé allaité. Elle le calme lorsque sa mère est dans l’impossibilité de l’allaiter sur-le-champ, soit parce qu’elle conduit l’automobile, qu’elle paie l’épicerie ou qu’elle s’occupe d’un enfant plus âgé. Elle peut aussi apaiser le bébé irritable quand les bras, les seins et la patience de sa mère sont sérieusement mis à l’épreuve. Elle peut réconforter un bébé qui, pour une raison ou une autre, est trop distrait ou surexcité pour accepter de se calmer au sein.

Les mères qui ont des jumeaux allaités trouvent la suce bien utile lorsqu’un des deux enfants doit patienter un peu avant que sa maman puisse s’occuper de lui. Dans certains hôpitaux, on offre la suce aux bébés prématurés afin de stimuler leur réflexe de succion, faciliter leur digestion et aussi afin de les aider à associer la succion avec l’alimentation lorsqu’ils sont nourris par gavage. La surutilisation de la suce peut créer des problèmes d’allaitement et une mère qui s’inquiète de la quantité de lait qu’elle produit ou dont le bébé prend difficilement le sein devrait réévaluer les choix qu’elle a faits d’utiliser la suce et le biberon. Dans certaines situations, la suce peut devenir un substitut de la mère puisqu’il est parfois plus facile de donner la suce à un bébé que de le prendre et de le réconforter.

Une étude récente a aussi démontré un lien entre l’utilisation de la suce en milieu de garde et une augmentation des infections de l’oreille (Warren 2001).

La suce et la tétée de réconfort au sein ont chacun leur utilité. Il y a des moments où la suce peut remplacer le sein de la mère, soulager la détresse d’un bébé et restaurer l’harmonie. La tétée de réconfort aide à maintenir une production de lait abondante et apporte des sentiments de plénitude à la mère et au bébé. Quand la suce est utilisée judicieusement, une mère peut s’en servir.

Références:
Anderson, G.C. Pacifiers: the positive side. MCN 1986; 11:122-24.
Howard, C.R. et al. The effects of early pacifier use on breastfeeding duration. Pediatrics 1999; 10(3):1-8.
Kramer, M.S. et al. Pacifier use, early weaning, and cry/fuss behavior: a randomized controlled trial. JAMA 2001; 286:322-26.
Warren, J.J. et al. Pacifier use and the occurrence of otitis media in the first year of life. Pediatric Dentistry 2001; 23(2):103-07.
Cet article, écrit par Gwen Gotsch, a été d’abord publié dans la revue NEW BEGINNINGS en novembre-décembre 1995. Il comprend certaines des idées de Anne Grider. Traduit et adapté par Marie-Christine Lemieux, ALPS Révisé par Mylène Schryburt, ALPS, novembre 2005