La relactation

Partager

Il est possible de reprendre l’allaitement même si vous l’avez interrompu depuis plusieurs semaines ou mois.

Toutefois, il est d’abord important que les mères sachent qu’il n’est pratiquement jamais nécessaire d’arrêter l’allaitement. La plupart des raisons données pour arrêter l’allaitement ne sont pas des raisons valables, et la plupart des problèmes entraînant l’arrêt de l’allaitement auraient pu être évités ou traités. Beaucoup de mères cessent d’allaiter à cause d’un problème en pensant qu’elles reprendront simplement l’allaitement une fois le problème réglé. Mais en fait, il pourra être très difficile de reprendre l’allaitement après un arrêt de même quelques jours.

Pourquoi les mères ont-elles le sentiment qu’elles doivent arrêter ou s’entendent-elles dire qu’elles doivent cesser d’allaiter ?

· La mère ne produit pas assez de lait. De trop nombreux professionnels de santé semblent avoir dans l’idée qu’un peu de lait humain est pire que pas de lait humain du tout. Ceci est dû à l’impression erronée que l’allaitement est nécessairement douloureux ou fatigant ou “prend trop à la mère”. Ceci n’est simplement pas vrai, ou plutôt, ceci ne devrait pas être vrai. L’allaitement devrait être facile, indolore, pas fatigant, et un plaisir pour la mère et le bébé. La raison pour laquelle l’allaitement ne correspond pas toujours à ce tableau “idéal” est due à de multiples causes, incluant les interventions pendant le travail et la naissance, et notamment les grands volumes de liquides que les mères reçoivent par voie intraveineuse aussi bien que de nombreuses autres interventions. Et après la naissance, on soumet les mères et les bébés à des règles concernant la perte de poids pour lesquelles il n’existe pas de preuves concluantes. En outre, le manque de formation des équipes hospitalières et des médecins aboutit souvent à l’introduction de biberons et de lait artificiel qui ne sont pas nécessaires, mais qui sapent la confiance de la mère en l’allaitement et lui font croire qu’elle ne produit pas suffisamment de lait.

· L’allaitement est douloureux. Mais l’allaitement ne devrait pas être douloureux. Les mamelons et les seins douloureux peuvent être évités et s’ils se produisent, ils peuvent souvent être traités facilement, particulièrement si l’aide débute rapidement, dès les premiers jours, de préférence le tout premier jour. Nous voyons des mères orientées vers notre consultation avec des douleurs aux mamelons qui durent depuis 8 semaines ou plus. Qu’en pensent le médecin ou la sage-femme ? En général qu'”il est normal que l’allaitement fasse mal, et que la douleur finira par disparaître”… Mais cette idée fait que des mères souffrent inutilement pendant des semaines, et finissent souvent par arrêter d’allaiter. Comme pour tous les problèmes d’allaitement, plus tôt la mère obtient une aide efficace pour ses douleurs aux mamelons ou aux seins, plus le problème est facile à résoudre.

· On dit à la mère que le bébé a besoin de lait industriel dans les premiers jours postpartum en raison d’une hypoglycémie ou parce qu’il présente une jaunisse ou parce qu’il a perdu plus de 10 % de son poids de naissance. L’utilisation de biberons peut avoir pour résultat un bébé qui ne prend pas le sein, ou un allaitement qui n’est pas bien mis en route. Même si des suppléments sont vraiment nécessaires, ils devraient être donnés au sein avec un DAL.

· Le bébé ne prend pas le sein. Le problème principal avec le bébé qui ne prend pas le sein est la précipitation, alors qu’en fait il n’y a généralement pas besoin de se précipiter. Souvent, lorsque le bébé ne prend pas le sein, il peut être nourri au gobelet ou à la cuillère jusqu’à ce que la “montée de lait” ait lieu. Souvent, quand la quantité de lait augmente, autour du troisième ou quatrième jour, le bébé va naturellement prendre le sein, surtout si la mère est bien accompagnée. Trop souvent le bébé ne prend pas le sein en raison de l’introduction rapide de biberons pour traiter une hypoglycémie, une jaunisse ou une perte de poids de 10 %. L’intervention inutile et nocive la plus répandue quand le bébé ne prend pas le sein est, pour l’équipe de l’hôpital, de recommander un bout de sein. Pour la plupart des mères, tout ce que fait un bout de sein, c’est donner l’impression que le problème est résolu, alors qu’à long terme, et même à court terme, la conséquence chez la plupart d’entre elles sera une diminution de la production lactée, l’introduction ultérieure de biberons et, de façon pas si rare, un refus du sein.

Newborn being fed by cup 300x200

Ce bébé âgé de quelques jours ne prenait pas le sein. Il est nourri au gobelet de colostrum exprimé, ce qui est mieux qu’au biberon.
Une approche utile pour éviter l’utilisation d’un bout de sein.

· L’utilisation de bouts de sein est recommandée à tort mais communément en cas de douleurs aux mamelons, d’engorgement, lorsque le bébé ne prend pas le sein, ou pour “apprendre” à un prématuré ou même à un bébé né à terme à téter ; cette dernière raison est un bel exemple d’absurdité. Tous ces problèmes peuvent être résolus différemment et mieux sans l’utilisation d’un bout de sein. Il n’y a rien qui puisse être fait avec un bout de sein qui ne pourrait être mieux fait sans.

· La mère doit prendre des médicaments et on lui dit qu’elle ne peut pas allaiter pendant qu’elle prend ce traitement. En fait, il est rare qu’une mère doivent arrêter l’allaitement pour un traitement qu’on lui a prescrit.

· Une mère avec une infection s’entend dire qu’elle ne doit pas allaiter car elle risque de transmettre l’infection à son bébé. En réalité, la meilleure protection pour le bébé contre la survenue d’une maladie est, dans la grande majorité des cas, de continuer l’allaitement.

· Une mère avec une maladie non infectieuse s’entend dire qu’elle ne devrait pas allaiter car elle aura besoin d’un traitement, ce qui est rarement vrai, ou parce que l’allaitement est fatigant et difficile pour elle.

· Le bébé à un “ictère au lait maternel”. Trop souvent, la mère s’entend dire qu’elle doit arrêter l’allaitement quand, en réalité, c’est totalement inutile. Interrompre l’allaitement même 2 ou 3 jours peut suffire à causer des problèmes d’allaitement significatifs.

· Et il y a tout un tas d’autres raisons, allant d’absurdes à ridicules, pour lesquelles les mères s’entendent dire qu’elles doivent arrêter l’allaitement. Ou le suspendre pour des durées variables (par exemple, des examens radiologiques, une opération chirurgicale de la mère) et on leur dit que “vous pourrez reprendre simplement” après “l’interruption”. Or il n’est pas vrai que la mère et le bébé pourront juste reprendre l’allaitement tel qu’il était. Après avoir interrompu l’allaitement même pour quelques jours, et remplacé les tétées par des biberons, il peut être très difficile de revenir à l’allaitement tel qu’il était. Même si la mère utilise son propre lait dans le biberon. Le problème n’est pas tant ce qu’il y a dans le biberon que le biberon lui-même. Et ne croyez pas les publicités, il n’existe aucun biberon qui imite la succion au sein. Résultat ? La mère frustrée arrête alors d’allaiter.

L’étape la plus importante d’une relactation est donc d’éviter d’avoir besoin de relacter, de recevoir une aide efficace “avec les mains” et des conseils avisés. Malheureusement, une aide efficace pour l’allaitement n’est pas une chose facilement disponible partout.

Mais vous n’allaitez plus. Alors, que faire ?

Les informations ci-dessous sont également valables pour une mère qui fait du tire-allaitement.

Il y a deux points à prendre en compte :

1. Faire en sorte que le bébé prenne le sein.
2. Augmenter/relancer la production lactée.

· Si le bébé est d’accord pour prendre le sein, tout est possible. Toutefois, si le bébé n’a pas tété depuis un moment, vous aurez probablement besoin de compléments, sauf si votre bébé est nourri exclusivement avec votre lait exprimé. Et même ainsi, le bébé, habitué au biberon, peut ne pas bien prendre le sein, avec comme conséquence qu’il n’obtient pas le lait comme il faut et/ou que la mère commence à avoir les mamelons douloureux.

· Essayez d’obtenir la meilleure prise de sein possible. Sachez reconnaître que le bébé boit du lait au sein ou n’obtient pas de lait du sein. Si le bébé ne boit pas, tétouille seulement, essayez la compression du sein pour qu’il continue à boire. Quand le bébé ne boit plus, changez de côté et répétez le processus. S’il est nécessaire de supplémenter le bébé, il vaut mieux donner les suppléments au sein à l’aide d’un dispositif d’aide à la lactation. La dompéridone peut augmenter la production lactée. Nous commençons avec une dose de 30 mg (3 comprimés de 10 mg) 3 fois par jour, soit au total 90 mg/jour. (L’utilisation de dompéridone comme galactogène a fait l’objet d’importantes controverses en raison d’un risque d’arythmie ventriculaire et de décès suite à une défaillance cardiaque plus élevée de 4/1 000 chez des adultes traités, mais la pertinence de cette augmentation du risque chez les mères allaitantes est douteuse. De nombreuses études ont fourni des résultats rassurants, y compris avec des posologies allant jusqu’à 80 mg/jour, aucune augmentation de l’intervalle QT n’étant rapportée (Biewenga ; Grzeskowiak). Une importante étude canadienne incluant 45 163 femmes traitées par dompéridone dans les 6 premiers mois post-partum a constaté que les seuls problèmes cardiaques rapportés étaient survenus chez des femmes qui avaient des antécédents de troubles cardiaques (Smolina). On devrait donc éviter de prescrire de la dompéridone à ces dernières, ainsi qu’aux femmes qui prennent des médicaments dont on sait qu’ils interfèrent avec la dompéridone et/ou augmentent l’intervalle QT (fluconazole par exemple). Des protocoles de traitement ont été publiés afin d’informer les professionnels de santé sur sa prescription dans des conditions optimales (Haase).)

· Le mieux est de garder le bébé en peau à peau autant que possible, avec le sein disponible pour lui. Ce qui est bon pour les bébés prématurés en termes de contact peau à peau, est bon pour les bébés de tous âges.

· Si le bébé est réticent à prendre le sein ou le refuse complètement, il est tout de même possible de l’aider à téter. Notez qu’un bébé qui tète un bout de sein ne prend pas le sein et que donner un bout de sein n’est pas une solution.

· Une étape importante est d’arrêter d’utiliser les biberons et tétines. Un gobelet ou une petite cuillère peuvent être utilisés pour nourrir le bébé, cela fonctionne même avec les prématurés et c’est facile à utiliser si l’on montre à la mère comment faire. Si le bébé est plus âgé que disons 3 ou 4 mois, il peut être plus facile d’arrêter les biberons. Au lieu d’être nourri au biberon, le bébé peut être nourri avec des aliments solides, autant qu’il veut, aussi souvent qu’il veut sans être forcé. Les céréales infantiles du commerce ne sont pas des aliments de bonne qualité, car elles sont pauvres en calories et en nutriments (excepté le fer, mais la majorité du fer finit dans la couche du bébé). De nombreux bébés de cet âge vont manger toutes sortes d’aliments hautement caloriques comme les bananes, les avocats (30 % de lipides) et des pommes de terre écrasées, sans problème. Des liquides, de préférence du lait maternel, du beurre ou de l’huile (végétale, olive, etc) peuvent être ajoutés aux aliments solides.

Voir la vidéo ICI. (en anlgais)

Ce bébé âgé de quatre mois n’a jamais été allaité exclusivement. Il prend le sein et a continué à le prendre car il a toujours été complété avec un dispositif d’aide à la lactation au sein. Mais la mère souhaitait arrêter d’utiliser le DAL. Au lieu de commencer les biberons, elle pourrait commencer à utiliser un gobelet ou une petite cuillère pour supplémenter le bébé. Mais il est aussi possible et préférable de faire commencer les aliments solides au bébé dès maintenant. Ainsi le bébé tète le sein et mange des solides – tout comme n’importe quel bébé le ferait à peu près à l’âge de 6 mois. Je crois que le bébé se voit proposer de l’avocat dans cette vidéo, mais c’est peut-être de la banane.

· Contact peau à peau autant que possible, avec le sein découvert tout près du bébé. Si le sein est disponible pour le bébé, il pourra le prendre. Si l’on augmente la production lactée avec de la dompéridone, le bébé va sentir la présence de lait dans le sein, les glandes de Montgomery lui faisant savoir que du lait est disponible. Si la mère parvient à donner le lait maternel (au gobelet ou à la cuillère) quand elle est en peau à peau avec le bébé et que le bébé est près du sein, cela peut aider celui-ci à prendre le sein. Prendre un bain avec le bébé, en peau à peau, peut parfois aider également.

· Si rien ne fonctionne, l’utilisation de la dompéridone et l’expression manuelle ou avec un tire-lait vous permettront de nourrir votre bébé avec votre lait (à utiliser uniquement lorsque vous aurez donné aux méthodes décrites ci-dessus suffisamment de temps pour agir et que le bébé ne prend toujours pas le sein).

· Soyez patiente. Ramener le bébé au sein peut prendre du temps, mais il y a de nombreux bébés qui ont recommencé un allaitement exclusif après des semaines voire des mois sans allaitement.

 

Traduction du feuillet Relactation
Dr Jack Newman, MD, FRCPC © 2018
Version française, janvier 2018, par Vanessa Lasne, animatrice LLL.
Peut être copié et diffusé sans autre autorisation, à condition qu’il ne soit utilisé dans aucun contexte où le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS est violé.