Jeûne et allaitement

Le Jeûne dans les pratiques religieuses

Le jeûne (abstention de nourriture ou de liquides ou des deux pendant une période de temps) est une pratique ancienne présente dans de nombreuses cultures et religions. Différentes croyances religieuses ont des règles spécifiques concernant le jeûne. La plupart des lois religieuses relatives au jeûne excluent les femmes enceintes et allaitantes par respect pour la santé de la mère et de son bébé ou fœtus. Cependant, l’interprétation de ces lois peut varier d’une communauté à l’autre ou d’une famille à l’autre. Les parents allaitants peuvent également choisir de jeûner de temps en temps pour d’autres raisons.

Impact du jeûne sur l’allaitement

La recherche sur l’allaitement dans les pays confrontés à des conditions de famine suggère que de courtes périodes de diminution de l’apport calorique n’ont pas d’incidence sur la production de lait. Au contraire, l’énergie et les nutriments peuvent être puisés dans les réserves du corps constituées pendant la grossesse. Les mères en bonne santé et bien nourries produisent des quantités normales de lait humain lorsqu’elles sont confrontées à une réduction de l’apport calorique à court terme.

Variations de la composition du lait humain

Une recherche israélienne sur la composition du lait et le comportement des bébés pendant le jeûne de Yom Kippour de 24 heures a montré que la composition du lait humain changeait. Elle était plus élevée en sodium, en calcium et en protéines ; et plus faible en phosphore et en lactose. La recherche n’a suivi les mères que pendant 24 heures après la fin du jeûne, période pendant laquelle il y avait encore de légères modifications dans la composition du lait.

Le jeûne du Ramadan et le Carême

Pendant le Ramadan, les musulmans doivent s’abstenir de boire, de manger, de fumer ou d’avoir des relations sexuelles entre le lever et le coucher du soleil. Tous les ans, la date du début du Ramadan avance de 11 jours, et la durée totale de jeûne varie donc suivant les saisons. Les personnes malades ou effectuant de longs voyages ne sont pas obligées de jeûner. Théoriquement, les femmes allaitantes doivent respecter le jeûne, mais elles peuvent en être dispensées s’il existe de bonnes raisons de penser que cela peut leur porter préjudice, ou à leur bébé. De nombreuses femmes musulmanes respectent cette consigne. Une étude effectuée en Turquie a constaté que jusqu’à 69 % des femmes allaitantes jeûnaient pendant le Ramadan, et la majorité de ces femmes avaient un bon niveau socio-économique et culturel.

Quelques études ont évalué l’impact du jeûne du Ramadan sur la composition du lait, avec des résultats variables. Une étude de Prentice et al (1984) sur des femmes gambiennes a conclu que la privation de boisson pouvait avoir un impact sur l’osmolarité du lait. Une étude de Bener et al (2001) dans les Emirats Arabes Unis a fait état d’une très faible variation du taux lacté de lipides, mais elle n’a pas suivi le taux lacté des oligo-éléments. Une récente étude turque (Rakicioğlu, 2006) a fait état d’une baisse significative des taux de zinc, magnésium et potassium dans le lait des mères qui jeûnaient, et que la fin du Ramadan pouvait être corrélée à une prise de poids significativement plus importante chez les enfants lorsque la mère avait cessé de jeûner.

Toutefois, cette dernière étude pose divers problèmes. Les auteurs ne précisent pas l’année pendant laquelle l’étude a été menée, et donc on ne sait pas à quel moment de l’année a eu lieu le Ramadan. De plus, les enfants de 2 à 5 mois inclus dans cette étude, qui recevaient du lait maternel et des suppléments, prenaient en moyenne 1550 g en l’espace d’un mois, alors que la prise de poids « normale » chez des enfants de cet âge est nettement plus basse (en moyenne 650 g sur 1 mois).

Les données actuelles ne permettent pas d’avoir une idée fiable de l’impact éventuel du Ramadan sur l’allaitement. Il serait nécessaire de mener des études selon une méthodologie de bonne qualité, par exemple en analysant des échantillons de lait donnés par les mères à intervalles réguliers (tous les 10 jours par exemple), avant le début du jeûne, puis pendant et après la période de jeûne. De même, la croissance de leurs enfants allaités devrait être suivie, ainsi que certains paramètres biologiques, afin de rechercher un éventuel impact du jeûne maternel sur leur statut nutritionnel.

Des études ont suivi des mères musulmanes pour voir si une période plus longue d’abstinence de la nourriture et des boissons pendant les heures de jour aurait un effet sur la production de lait et la santé nutritionnelle maternelle. Ils ont constaté que pendant le Ramadan, les niveaux d’apport énergétique et nutritionnel étaient généralement inférieurs aux allocations journalières considérées comme nécessaires pour les femmes allaitantes. Cependant, dans l’ensemble, il n’y avait pas d’effet sur les niveaux de nutriments dans le lait de ces femmes et aucun effet significatif sur la croissance de leurs nourrissons.

De même, le Carême dans certaines traditions chrétiennes implique un jeûne ou une abstention de certains aliments pendant une période spécifique, comme les 40 jours précédant Pâques. Pendant le Carême, les mères allaitantes peuvent également observer des pratiques de jeûne. Cependant, la plupart des religions chrétiennes ont des règles flexibles concernant le jeûne, et les femmes enceintes ou allaitantes sont souvent dispensées du jeûne strict pour des raisons de santé maternelle et infantile.

Considérations pratiques et de santé

Certaines mères qui jeûnent pendant de plus longues périodes choisissent de “surhydrater” pendant la nuit dans le but de réduire leur déshydratation diurne. Il y a des inquiétudes selon lesquelles une surconsommation importante d’eau peut causer des déséquilibres électrolytiques. Si vous envisagez d’essayer cela, il serait prudent d’en discuter avec un professionnel de la santé. Une surhydratation importante et une déshydratation peuvent toutes deux entraîner une diminution de la production de lait.

Réactions du bébé pendant le jeûne

Pendant une période de jeûne, votre bébé peut avoir envie de téter plus souvent ou sembler plus grognon que d’habitude. Cela peut être lié au jeûne lui-même ou à une réaction à d’autres changements dans la routine quotidienne qui accompagnent la période de jeûne.