Canaux lactifères bouchés et mastites

Partager

Feuillet Newman n° 22

Ampoule / canaux lactifères bouchés / mastites et ensuite abcès se produisent généralement lorsque la lactation est abondante mais que le bébé n’a pas une bonne prise de sein. Une mauvaise prise de sein, et donc une mauvaise vidange du sein, favorisent la survenue de canaux bloqués et de mastites.
Et pourquoi le bébé ne tète pas correctement ?

En raison de :

1. « Technique » de positionnement et de prise du sein. Voir le feuillet Comment effectuer la mise au sein et “La prise de sein asymétrique”.

2. Utilisation de mamelons artificiels tels que des tétines de biberon et des bouts de sein.

3. Présence d’un frein de langue. Certains sont évidents, mais beaucoup sont plus subtils et exigent une évaluation qui va au-delà de simplement regarder, et suppose de placer son doigt sous la langue du bébé et de savoir ce qu’il faut ressentir. Malheureusement, peu de professionnels de la santé, y compris des consultantes en lactation, savent évaluer la présence d’un frein.

4. Baisse de lactation. La survenue tardive d’une diminution de la quantité de lait est très courante. Le bébé glisse alors sur le mamelon et tire sur le sein.

Canaux lactifères bouchés

un canal bouché correspond a un bouchon ou à un blocage de lait à l’intérieur d’un des canaux qui transportent le lait, et se traduit par une masse ou une zone douloureuse dans le sein. La peau autour de la masse peut être rouge et chaude. Généralement, il n’y a pas de fièvre mais, parfois, une faible fièvre peut survenir (généralement moins de 38,4 ° C). En général, vous vous sentez bien.

Un problème de canaux bloqués disparaît presque toujours spontanément dans les 24 à 48 heures, sans traitement particulier. Pendant un épisode de canal bouché, le bébé peut être agité lorsqu’il tête du côté atteint, car le flux de lait sera plus lent que d’habitude probablement à cause de la pression de la masse qui comprime d’autres canaux. Voici comment accélérer la guérison :

Poursuivre l’allaitement du côté atteint tout en drainant mieux le sein. Cela peut être fait en :

  • Obtenant la meilleure prise de sein possible.
  • Utilisant la compression du sein pour maintenir l’écoulement du lait (voir le feuillet La compression du sein ainsi que nos clips vidéo). Placez la main autour du canal bouché et comprimez-le pendant que le bébé tète, si ce n’est pas trop douloureux de le faire.
  • Allaitant le bébé dans une position qui fasse que son menton soit dirigé vers le canal bouché. Ainsi, si le canal bouché se trouve dans la partie inférieure du sein, la position en ballon de rugby peut être utile.
  • Appliquant de la chaleur sur la zone touchée (avec un coussin chauffant ou une bouillotte, en évitant soigneusement de brûler la peau avec une chaleur excessive ou trop prolongée).
  • Se reposant. Ce n’est pas toujours facile mais, au besoin, le bébé peut rester près de sa mère.

Autres traitements pour les canaux bloqués persistants ou récurrents :

Si le problème ne se règle pas spontanément en 48 heures, ce qui est inhabituel, un traitement par ultrasons en viendra souvent à bout. Cela peut être réalisé par un kinésithérapeute ou dans une consultation de médecine du sport. Beaucoup de thérapeutes utilisant des ultrasons ne connaissent pas cette application. Voici la dose à appliquer : 2 watts/cm2, en continu, pendant cinq minutes au niveau de la zone affectée, une fois par jour, à faire au maximum deux fois. Un thérapeute ayant de l’expérience dans l’utilisation de cette technique aura plus de chance de succès.

Certaines ont utilisé l’extrémité plate d’une brosse à dents électrique pour s’administrer un traitement « ultrasonore ». Et ont apparemment obtenu de bons résultats.

La lécithine est un complément alimentaire qui semble aider certaines mères à prévenir les canaux lactifères bloqués. Elle pourrait agir en diminuant la viscosité du lait, en augmentant le pourcentage d’acides gras polyinsaturés dans le lait. Elle est sûre, peu coûteuse, et semble fonctionner dans au moins certains cas. La dose est de 1 200 mg, quatre fois par jour. Il n’y a pas d’autre traitement préventif contre les canaux bloqués que la lécithine.

Une ampoule de lait ?

Dans certains cas, le conduit bouché est associé à une ampoule à l’extrémité du mamelon. Une tâche blanche sur le mamelon n’est pas une ampoule. S’il n’y a pas de masse douloureuse dans le sein, il est abusif d’appeler une ampoule sur le mamelon un canal bouché. Une ampoule est habituellement douloureuse et peut être une cause de mamelons douloureux passés les premiers jours, notamment lorsque la prise du sein n’est pas bonne.

Une ampoule est souvent présente sans qu’il y ait canal bouché.

Si l’ampoule est très douloureuse (c’est le cas habituellement), il peut être utile de la percer, car cela peut permettre de soulager la douleur. Cependant, s’il est nécessaire de la percer plus d’une fois, ou si l’on ne peut pas le faire soi-même, il est préférable d’aller voir son médecin ou une consultation d’allaitement.

  • Exposer une aiguille de couturière à une flamme, la laisser refroidir et percer l’ampoule.
  • Nul besoin d’agrandir le trou. Percer simplement l’ampoule.
  • Parfois, on peut faire sortir le contenu du canal bloqué, qui aura la consistance de la pâte dentifrice. Si un canal bouché est associé à l’ampoule, cela peut entraîner le déblocage du canal. Le bébé peut également le faire en tétant.

Une fois que vous avez percé l’ampoule, appliquer la « pommade pour mamelons tous usages »(pommade du DR Newman) après chaque tétée pendant environ une semaine, dans le but de prévenir une éventuelle infection et de diminuer le risque d’une récidive.

Mastite

La mastite est due à une infection (presque toujours due à des bactéries plutôt qu’à d’autres types de germes) qui survient habituellement en cours d’allaitement. Cependant, elle peut également survenir chez toute femme, même si elle n’allaite pas, et peut même affecter les nouveau-nés de l’un ou l’autre sexe. Les bactéries peuvent pénétrer dans le sein à travers une crevasse ou une lésion au niveau du mamelon, mais les femmes qui n’ont pas de crevasses peuvent quand même être atteintes de mastite tandis que la plupart des mères qui ont des crevasses n’en auront pas.

La mastite est différente d’un canal bouché, car celui-ci n’est pas considéré comme une infection et n’a donc pas besoin d’être traité avec des antibiotiques. Avec un canal bouché, il y a une masse douloureuse, enflée, ferme, dans le sein. La peau recouvrant le canal bloqué est souvent rouge, mais moins rouge que la rougeur de la mastite. Contrairement à la mastite, un canal bouché n’est généralement pas associé à de la fièvre, bien qu’il puisse l’être. La mastite est habituellement plus douloureuse, mais les deux peuvent être très douloureux.. Faire la différence entre une mastite « légère » et un canal bloqué « sévère » peut donc ne pas être si facile – et il peut même n’y avoir aucune différence. Il est également possible qu’un canal bouché se transforme en mastite, ce qui rend les choses encore plus compliquées. Cependant, sans masse dans le sein, il n’y a pas de mastite (ni de canal bloqué d’ailleurs). En France, les médecins diagnostiquent la mastite en présence d’une rougeur douloureuse et chaude de la peau du sein, associée à de la fièvre, même s’il n’y a pas de masse douloureuse dans le sein. Apparemment, la plupart ne pensent pas qu’une mastite nécessite un traitement antibiotique. J’ai vu quelques cas qui correspondent à cette description et, oui, le problème disparaît alors sans utilisation d’ antibiotiques. Mais il arrive souvent aussi qu’une mastite avérée disparaisse sans traitement antibiotique.

Si vous commencez à avoir des symptômes de mastite (masse douloureuse dans le sein, rougeur et douleur au niveau du sein, fièvre), suivez les recommandations pour les canaux bouchés (ci-dessus).

Autres traitements.

  • Si la douleur est tellement importante qu’elle rend la mise au sein impossible, l’allaitement peut être poursuivi avec le second sein. Le bébé peut téter de nouveau du côté affecté dès que la douleur le permet. Parfois, l’expression du lait peut être moins douloureuse, mais pas toujours. Dans la mesure du possible, il est préférable de poursuivre l’allaitement sur le sein atteint.

 

  • La fièvre aide à combattre l’infection. Les adultes se sentent généralement mal quand ils ont de la fièvre et peuvent vouloir la faire baisser pour cette raison. Il n’est pas nécessaire de la faire baisser de manière systématique. La fièvre n’a pas d’impact négatif sur le lait !

 

  • Les antalgiques (contre la douleur) et les antipyrétiques (contre la fièvre : ibuprofène, paracétamol et autres) peuvent être utiles pour aider à traverser cet épisode de mastite. La quantité de médicament excrétée dans le lait, comme pour presque tous les médicaments, est minuscule. Le paracétamol est probablement moins utile que les médicaments (par exemple l’ibuprofène) qui ont un effet anti-inflammatoire.

 

  • Pommes de terre (adapté de Bridget Lynch, RM, Community Midwives of Toronto). Au cours des premières 24 heures suivant le début des symptômes, l’application de tranches de pomme de terre crues sur le sein peut réduire la douleur, l’enflure et la rougeur de la mastite :

 

– Couper 6 à 8 pommes de terre crues lavées dans le sens de la longueur en fines tranches.
– Placer dans un grand bol d’eau à température ambiante et laisser reposer pendant 15 à 20 minutes.
– Appliquer les tranches de pommes de terre humides sur la zone du sein atteinte et laisser reposer pendant 15 à 20 minutes.
– Retirer et jeter après 15 à 20 minutes et appliquer de nouvelles tranches tirées du bol.
– Faire une pause de 20 ou 30 minutes, puis répéter la procédure.
– Répéter ce processus deux fois de plus afin d’arriver à 3 applications par heure.

La mastite et les antibiotiques

En règle générale, il est préférable d’éviter les antibiotiques si possible, car la mastite peut s’améliorer seule, et les antibiotiques risquent d’entraîner une infection à Candida (levure, muguet) des mamelons et/ou du sein. Mon approche est la suivante :

Si les symptômes datent de moins de 24 heures, je prescris un antibiotique, mais je suggère à la mère d’attendre avant de commencer à le prendre.

* Si, dans les 8 à 12 heures qui suivent la consultation, les symptômes s’aggravent (douleur plus vive, zone atteinte plus rouge et/ou plus importante), elle commencera le traitement.

* Si, au bout de 24 heures, il n’y a pas d’aggravation mais pas non plus d’amélioration, elle commencera aussi le traitement.

* Si les symptômes ont commencé à diminuer pendant les 24 heures suivant la consultation, le traitement antibiotique ne sera pas nécessaire. En général, l’amélioration va se poursuivre, et les symptômes auront disparu en 2 à 5 jours. La fièvre disparaît généralement dans les 24 heures, la douleur en 24 à 48 heures, et l’induration en quelques jours de plus. La rougeur cutanée peut persister pendant une semaine ou plus. Lorsque la situation a commencé à s’améliorer, avec ou sans antibiothérapie, l’amélioration doit se poursuivre. Si la mastite évolue différemment, contacter le médecin ou une consultation d’allaitement.

* Si les symptômes de mastite durent depuis plus de 24 heures sans amélioration, il est préférable de commencer un traitement antibiotique.

L’amoxicilline, la pénicilline et un certain nombre d’autres antibiotiques, qui sont souvent prescrits en cas de mastite, sont habituellement inefficaces pour cette maladie. Si un antibiotique est nécessaire, en choisir un qui soit efficace contre le Staphylococcus aureus, à savoir : la céphalexine, la cloxacilline, la flucloxacilline, l’amoxicilline associée à l’acide clavulinique, la clindamycine et la ciprofloxacine. Antibiotiques pouvant être utilisés pour le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) : cotrimoxazole et tétracycline.
Note : la clindamycine et la ciprofloxacine peuvent être utilisées chez les mères allergiques aux pénicillines.
Ndlt : actuellement, les pénicillines M (cloxacilline et oxacilline) injectables sont contingentées et fournies par les laboratoires uniquement pour les patients hospitalisés pour lesquels aucune autre alternative thérapeutique n’est possible (antibiogramme à l’appui).

Tous ces médicaments sont compatibles avec l’allaitement ; l’allaitement peut et doit se poursuivre. L’allaitement ne doit pas être interrompu si l’infection est due au SARM ! En effet, l’allaitement réduit le risque que le bébé contracte l’infection.

Abcès du sein

Un abcès du sein peut se former si l’on a tardé dans le traitement de la mastite ou si la mastite n’est pas traitée ou traitée de manière inefficace. Un abcès est une poche de pus formée dans une zone infectée parce que le corps n’arrive pas à combattre complètement l’infection par lui-même. C’est la façon qu’il a d’empêcher la propagation de l’infection.

Les symptômes comprennent souvent une masse gonflée, généralement juste sous la peau (habituellement douloureuse au toucher ou à la pression), et une enflure ou une rougeur dans la zone environnante. Il peut y avoir de la fièvre.

Si une mastite n’a pas complètement disparu, ou du moins ne s’est pas améliorée de façon significative dans les 5 à 7 jours suivant le début des antibiotiques, on devrait vérifier qu’il n’y a pas un éventuel abcès.

Aujourd’hui, le traitement de choix pour l’abcès du sein n’est plus chirurgical. Nous avons eu de meilleurs résultats avec l’échographie pour localiser l’abcès et un cathéter inséré dans l’abcès pour le drainer. Cette procédure permet de ne pas interrompre l’allaitement, y compris du côté atteint, et la guérison complète se produit souvent en une semaine. Elle est réalisée par un radiologue, pas un chirurgien. Voir cette étude : Dieter Ulitzsch, MD, Margareta K. G. Nyman,MD, Richard A. Carlson, MD. Breast Abscess in Lactating Women: US-guided Treatment. Radiology 2004; 232:904–909
Pour les petits abcès, l’aspiration avec une aiguille et une seringue plus des antibiotiques est souvent tout ce qui est nécessaire, bien qu’il puisse être nécessaire de répéter l’aspiration plus d’une fois.

Une masse qui ne disparaît pas

Si vous avez une masse qui ne disparaît pas et ne diminue pas pendant une période de plus de quelques semaines, vous devriez consulter un médecin ou un chirurgien qui soutient l’allaitement. Il n’est pas nécessaire de cesser l’allaitement pour faire investiguer une masse mammaire (l’échographie, la mammographie, et même la biopsie ne requièrent pas d’interruption de l’allaitement, même du côté affecté). Un chirurgien qui connaît l’importance de l’allaitement et le soutient ne vous dira pas de cesser l’allaitement afin de pouvoir effectuer les examens pour une masse mammaire.

Traduction du feuillet n° 22 « Block ducts and mastisis »
Révisé en juin 2017.

Dr Jack Newman, MD, FRCPC © 2005

Version française, mai 2005, par Stéphanie Dupras, IBCLC, RLC. Révisé novembre 2017 par Vanessa Lasne, animatrice LLL.

Texte d’origine: http://ibconline.ca/information-sheets/blocked-ducts-mastitis/

Peut être copié et diffusé sans autre autorisation, à condition qu’il ne soit utilisé dans aucun contexte où le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS est violé